État d’urgence sanitaire et délais de gestion des sinistres dommages-ouvrage
Comme on le sait, l’assureur dommages-ouvrage est tenu de respecter des délais stricts dans la gestion des sinistres qui lui sont déclarés.
Il doit en particulier, dans un délai de 60 jours courant à compter de la réception de la déclaration, notifier à l’assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat (article L. 242-1 du code des assurances), et ce au vu d’un rapport d’expertise dit préliminaire qui doit également être communiqué à l’assuré. Faute, pour l’assureur, de respecter ce délai et sur simple notification faite par l’assuré, les garanties du contrat sont réputées acquises pour ce qui concerne le sinistre déclaré (Article A. 243-1, annexe II).
Qu’en est-il dans la situation actuelle?
En application de la loi sur l’état d’urgence sanitaire (loi n° 2020-290 du 23 mars 2020), a été adoptée le 25 mars une ordonnance « relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période » (n°2020-306). Des aménagements et compléments lui ont déjà été apportés avec l’ordonnance rectificative du 15 avril 2020 (n°2020-427) et l’ordonnance du 13 mai 2020 (n°2020-560).
Nul doute que le délai imparti à l’assureur DO relève de cette ordonnance, mais il existe en revanche une incertitude quant aux dispositions applicables.
1. En vertu de l’article 4: « les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er ».
La période de référence visée par le texte, dite période juridiquement protégée, est comprise entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus.
Rien n’interdit à notre sens d’admettre que l’obligation pour l’assureur de notifier sa position de principe dans un délai de 60 jours relève de l’article 4 de l’ordonnance, même si la clause concernée n’est que la reproduction d’une clause-type, c’est-à-dire d’une disposition réglementaire d’ordre public.
Dans ce cas, la date à laquelle la clause prend effet se trouve retardée pour tenir compte de la période d’exécution qui a été impactée par les mesures résultant de l’état d’urgence sanitaire.
Autrement dit, le cours des 60 jours est en quelque sorte suspendu pendant la période juridiquement protégée, c’est-à-dire entre le 12 mars et le 23 juin à minuit..
Cela vaut à la fois pour les déclarations de sinistres reçues dans les deux mois qui précédent le début de la période juridiquement protégée (J+60 durant la période) et pour celles reçues pendant cette même période (avec éventuellement un J+60 postérieur).
2. Néanmoins, il est également possible de soutenir que l’article 2 de la même ordonnance a vocation à s’appliquer. Il vise en effet toute « notification (…) prescrite par la loi ou le règlement à peine de (…) déchéance d’un droit».
Tel est bien le cas de l’obligation à la charge de l’assureur et de sa sanction, toutes deux mentionnées expressément dans les clauses-types réglementaires.
En admettant l’application de l’article 2, la prise de position de l’assureur, au titre des seuls délais J+60 dont l’échéance théorique se situe durant la période juridiquement protégée, se trouve reportée de deux mois à compter de la fin de cette période. Autrement dit, l’assureur est alors en mesure de prendre position jusqu’au 23 août 2020 à minuit.
Quelques exemples pour illustrer l’application de ces dispositions :
Date de réception de la déclaration de sinistre | J+60 réel | J+60 soumis à l’article 2 | J+60 soumis à l’article 4 Modifié par Ord. 2020-427 |
15 janvier 2020 | 15 mars 2020 | 22 août 2020 inclus | 26 juin 2020 |
16 mars 2020 | 15 mai 2020 | 22 août 2020 inclus | 22 août 2020 |
20 mai 2020 | 19 juillet 2020 | 19 juillet 2020 | 22 août 2020 |
Avouons que le résultat n’est ni simple, ni satisfaisant ! La question de savoir comment combiner les deux dispositions des articles 4 et 2 de l’ordonnance reste ouverte.
Pour notre part, sous réserve d’éventuelles nouvelles précisions et de l’interprétation qui sera retenue par la jurisprudence, nous pensons que l’assureur est en mesure d’invoquer la disposition qui lui est le plus favorable.
Addine HAROUACH